Historique

Il serait dommage de s’intéresser au thérémine, sans s’intéresser un peu  à son inventeur, Léon Theremin et au contexte dans lequel il a développé et commercialisé son instrument!  Voici un bref survol historique…

Lev Sergeyevich Termen (Léon Theremin) est né – selon le calendrier julien en vigueur à l’époque – le 15 août 1896 à Saint Petersbourg. En 1918, au passage au calendrier grégorien, cette date d’anniversaire a été changée au 28 août, qui est celle célébrée de nos jours.

Dès son plus jeune âge, il se passionne pour la physique et choisit d’étudier cette branche à l’université. Mélomane invétéré, il suit pendant de nombreuses années des cours de violoncelle au conservatoire. Puis, il s’enrôle dans le département radio et technique, puis travaille dans un institut polytechnique. Il étudie l’usage du corps humain comme conducteur électrique et la capacité à stocker des charges, connue sous le nom de capacitance. Lev est intrigué par le fait que la capacité naturelle du corps d’une personne se tenant à proximité d’un circuit électrique puisse s’ajouter à la capacité du circuit lui-même.

Au début des années 20, il construit un appareil permettant de mesurer la densité d’un gaz. Il remarque que les mouvements de sa main près du circuit sont interprétés comme des fluctuations de la densité, ce qui provoque des sifflements plus ou moins aigus. Cela éveille immédiatement son oreille de violoncelliste. Il développe son invention et aboutit au theremin, le premier instrument fonctionnant à l’électricité et capable de générer un son au moyen d’oscillateurs électroniques . Le principe est le suivant : le corps humain est un conducteur électrique, relié virtuellement à la terre, qui forme un condensateur avec l’antenne, dont la capacité s’ajoute à celle du circuit  de telle façon que la fréquence de ce dernier est altérée. Cette variation est d’autant plus importante que le musicien approche sa main de l’antenne, produisant alors un son plus aigu. L’antenne courbée permet le contrôle du volume : lorsque la main est proche de l’antenne, la capacité atténue le signal jusqu’à coupure. Par contre, un éloignement progressif crée un crescendo.

Voici une vidéo de 1930 où Léon Theremin joue de son instrument :

 

Le succès du thérémine est immédiat. En 1922, Lev Termen est invité à se produire pour Lénine, qui voit dans le thérémine un moyen de propagande idéal pour promouvoir l’électricité et montrer la suprématie soviétique. Il donne ainsi à Lev les autorisations nécessaires à la réalisation d’un «agiprop tour» (agitation & propaganda tour) à travers le pays. Lors de ces démonstrations publiques, Lev présente le thérémine dont le son est amplifié à l’aide des pavillons coniques des gramophones, ainsi que d’autres inventions. L’instrument dispose de 3 à 4 octaves, ce qui permet à Lev de puiser largement dans son répertoire de violoncelliste.

Dès 1926, il fait la promotion de son instrument en Europe et même aux Etats-Unis où il s’établit en 1927. Cette tournée promotionnelle est couronnée de succès, mais sert en réalité de couverture au GRU -le quatrième commandement de l’armée rouge- pour récolter des informations sur la technologie et l’industrie américaine. Lev Termen est ainsi forcé d’accepter des activités d’espionnage pour justifier sa présence sur sol américain auprès du gouvernement soviétique.

En 1929, le premier theremin, baptisé «RCA theremin», est commercialisé. Cette année-là, la promotion de l’instrument bat son plein. Lev parle du thérémine comme de «l’instrument des émotions» et met en avant son accessibilité : «c’est le plus facile de tous les instruments à jouer ! Un enfant, une vieille dame, un musicien talentueux, un aveugle, tous peuvent apprendre à jouer de cet instrument incroyable avec la même facilité ! Il est destiné à devenir l’instrument musical universel ; les gens vont pouvoir y jouer aussi facilement et naturellement qu’ils écrivent ou qu’ils parlent». Cette publicité enthousiaste s’avère malheureusement exagérée et le grand public s’en rendra compte rapidement.

A cette époque, il initie de nombreuses personnes à l’instrument et donne beaucoup de concerts. Clara Rockmore, une jeune et talentueuse violoniste, en devient l’une des plus grandes virtuoses. Elle développe une technique appelée «aerial fingering», qui permet de jouer des notes distinctes, sans glissando. Une autre théréminisite notable est Lucie Rosen. Elle apporte un soutien financier à Lev, sollicite des compositeurs contemporains à écrire pour l’instrument et donne des concerts jusqu’en Europe.

Dès 1930, les déboires commencent pour Lev Termen : la popularité du theremin diminue, les ventes baissent, la fabrication des instruments est interrompue, les difficultés financières s’amplifient. Lev disparaît mystérieusement en 1938 et retourne en Russie où il fait la dure expérience des camps de concentration et des travaux forcés à Kolyma. Réhabilité en 1956, il choisit de continuer à travailler pour les services secrets du gouvernement et développe des appareils d’écoute et d’espionnage. Dans son temps libre, il reconstruit certains de ses instruments et inventions, mais la musique électronique est bannie par le régime et ses instruments se font détruire à plusieures reprises. Pendant toutes ces années, il laisse ses anciens collaborateurs, ses amis et sa femme restée en Amérique sans aucune nouvelle.

Le thérémine connaît un regain d’intérêt grâce à la musique de Miklos Roza composée pour le film Spellbound d’Alfred Hitchcock. Le theremin, joué par Samuel Hoffmann, devient le nouveau son d’Hollywood pour caractériser la paranoïa, l’angoisse, le mystère et les phénomènes paranormaux de science fiction.

En 1949, Robert Moog, un adolescent passionné d’électronique, construit son premier thérémine et écrit un article à ce sujet dans un magazine pour amateurs offrant un thérémine en kit à construire soi-même. Le succès est tel qu’à 19 ans, Robert Moog crée sa propre compagnie -Moog Music- pour construire et vendre des thérémines en kit. Dans les années 70, son entreprise donne naissance aux premiers synthétiseurs, dont le fameux Mini Moog. Aujourd’hui encore, les thérémines et les synthétiseurs de Moog restent une référence.

A la fin des années 60, un journaliste du New York Times retrouve Lev et publie un article à son sujet : le monde occidental apprend alors qu’il n’est pas mort. Cet article permet à Lev de renouer avec son passé et ses anciennes connaissances. Il réalise l’impact de ses inventions sur la musique électronique grâce à une invitation au Festival International de Musique Electronique de 1989 à Bourges et au Festival de Musique Electronique de 1990 à Stockholm. Il continue à enseigner l’art de jouer du thérémine à quelques personnes, dont la théréministe Lydia Kavina, alors âgée de 9 ans.

En 1989, un de ses amis, Sergei Zorin, le filme, alors il qu’il évoque certains passages de sa vie. Il est alors âgé de 94 ans.

En 1991, Lev est invité aux USA pour un documentaire réalisé par Steve Martin au sujet du thérémine. Deux ans après, Lev décède à Moscou à l’âge de 97 ans.

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